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Abandonner la volonté, laisser émerger la vie





Nous sommes dans un monde profondément marqué par la volonté. Il faudrait se battre, aller contre les éléments, faire des plans qu’il s’agirait de déployer coûte que coûte, prendre des résolutions à tenir…


Dans ce mouvement potentiellement destructeur qui met notre propre habitat ainsi que l’humanité en danger, nous oublions l’essentiel de la vie, qui circule sans que nous ayons quelque chose à « faire ».


C’est particulièrement le cas lorsque nous attendons un enfant. Malgré toute la volonté du monde, nous ne pouvons pas accélérer le mouvement, il faudra 9 mois ! Cette attente est comme une leçon de vie qui nous invite à entrer dans ce mouvement…


Dans son livre Vous qui donnez la vie, voilà comment Christophe Massin retranscrit l’un des nombreux témoignages, celui d’une mère, qui invite à revenir à l’essentiel : « Je ressentais un réel bonheur à sentir en moi un territoire, un endroit protégé, sacré, bien au fond, en toute sécurité. Je sentais pour la première fois une force, un sentiment de puissance pour défendre ce territoire. Ce fut également le premier moment conscient de ma vie où je connus le lâcher-prise : j’étais émerveillée de sentir un petit être en moi qui vivait chaque minute et se développait chaque jour, sans que je fasse le moindre effort. A moi qui ne me sentais pas capable de grand-chose, il ne demandait aucune compétence, il n’exigeait rien. Je vivais son existence comme un cadeau. Il ne demandait qu’une disponibilité bien tranquille que j’étais heureuse de lui donner. Etre choisie par mon enfant me procurait un grand bonheur mais aussi beaucoup d’humilité. Moi qui me trouvais si petite, abriter cette intelligence de la vie… »


Quel bouleversant témoignage qui remet la vie à sa juste place ! Et qui rappelle au passage que le « vrai » lâcher-prise n’est pas un effort de la volonté.


C’est aussi ce geste profond que nous retrouvons dans la méditation qui nous invite à « ne rien faire » pour laisser les choses se faire. Voilà comment en parle le génial Shunryu Suzuki : « Our way is difficult. Why it is difficult is… because it is too simple. It’s like nothing happening… But something great is happening here. »


C’est vraiment toute l’expérience de la vie en nous que nous retrouvons, et qui est particulièrement parlante dans l’attention à la respiration, qui ne nous demande rien. Nous pouvons l’oublier mais nous ne décidons pas de respirer…


Voilà comment le poète Rainer Maria Rilke en parle dans Les Sonnets à Orphée.

« Respirer, ô invisible poème !

Échange pur et qui jamais ne cesse entre notre être propre

et les espaces du monde. Contre-poids

dans lequel rythmiquement je me conquiers.

Vague unique, dont

je suis la mer progressive ;

toi, la plus économe de toutes les mers possibles, –

gain d’espace.

Combien parmi ces places des espaces furent déjà

à l’intérieur de moi-même. Plus d’un vent

est comme mon fils.

Me reconnais-tu, air, toi encore plein de lieux qui furent miens ?

Toi, qui fus un jour l’écorce lisse,

la courbure et la feuille de mes paroles ? »


Cela se passe de mots…mais rappelle que nous avons à en faire l’expérience.


J’ai été profondément marqué par ce livre de Christophe Massin. En effet, ce n’est pas un énième manuel qui m’explique ce que je devrais faire, mais un livre qui me questionne, m’invite à cheminer avec humilité et à entrer dans l’expérience d’autres familles…pour faire notre propre choix. Quel soulagement !


C’est seulement ainsi que l’on peut vraiment rentrer en contact avec le bébé à naître, comprendre comment communiquer avec lui…et apprendre à l’accueillir. Pour tour cela, il n’y a aucune recette miracle…mais bien un apprentissage à partir de sa propre expérience.


J’ai été également très frappé de voir que le livre remet en avant la part d’intuition que nous avons tous, et en particulier la mère en lien avec le bébé. Ce savoir si particulier, qui pouvait se transmettre de femmes en femmes, mais qui s’est perdu avec le double mouvement d’un éclatement du lien familial et de la mécanisation à outrance de la naissance. Mon propos n’est évidemment pas ici de remettre en cause l’immense progrès que la médecine a permis pour sécuriser la femme et l’enfant à naître, mais bien de voir qu’il s’est perdu quelque chose d’assez fondamental en chemin…Comment permettre à la mère d’affirmer son intuition face à un médecin (souvent masculin) qui parle à partir d’une connaissance scientifique ?


Dans notre monde de la volonté et du contrôle, cela est profondément révolutionnaire ! Car cette volonté est aussi pleinement à l’œuvre dans l’éducation des enfants. Je suis souvent marqué de voir comment les parents veulent pour leur enfant et ne se mettent pas à l’écoute de celui-ci.

Cette écoute à laquelle nous sommes invités à revenir est d’ailleurs la même qui se déploie aujourd’hui dans la permaculture.


Il s’agit d’apprendre à être à l’écoute de ce qui émerge…et c’est uniquement par ce mouvement que peut prendre place une « vraie » intelligence collective.


Dans toutes ces différentes modalités, il y a toujours ce mouvement d’accueillir et apprendre à être des hôtes de la vie. Voilà comment en parle magnifiquement Chögyam Trungpa dans son livre Work, Sex, Money.

« In a healthy marriage two people don’t particularly relate as husband and wife. In a genuine marriage, you accept the other person as a friend, a beautiful, communicative friend, and your partner views you as a good friend as well. Then, when you have a child, you actually do regard that child as your first guest. You have to feed and clothe this guest, bring her up, and educate her. You are the host and hostess. »

Puissions-nous tous être ces hôtes !




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