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Nous sommes tous Kung Fu Panda


Je suis frappé de voir à quel point il est facile de passer à côté de sa vie, de la voir défiler devant ses yeux, d’avancer d’un pas morne sans se mettre à l’écoute de notre aspiration véritable. Si facile de devenir ce vendeur de nouilles parce que papa l’a voulu ou parce que c’est la case dans laquelle la société nous met et qu’il est trop difficile d’en sortir.


Je trouve que le film Kung Fu Panda traite magnifiquement cette question avec beaucoup d’humour. Po a ce rêve de Kung Fu au sens littéral du terme (c’est la première scène du film)…mais il n’y croit pas et n’ose pas vraiment en parler à son père qui lui est aveuglé par son rêve de le voir reprendre l’entreprise familiale (c’est si souvent le cas dans les dynasties familiales…


Qu’il est dur de ne pas imposer notre vision à nos enfants !). Et pourtant, il a encore cet appel et cette insatisfaction qui lui colle à la peau, cette petite voix qui lui dit : Je ne suis pas à ma place…


Voilà comment Fabrice Midal en parle :

« Tu perçois parfois un appel lancinant.

Pourquoi fais-tu alors semblant de ne rien entendre et retournes-tu à tes occupations ?

La voie consiste, au contraire, à tout laisser de côté pour y répondre.»

Voilà la clé !

Pourquoi nous n’y arrivons pas ?


Je vois essentiellement deux raisons qui apparaissent nettement dans le film.

La première, c’est qu’il est si difficile de sortir de l’image que nous renvoie les autres, notre famille, nos proches. C’est frappant de voir la dureté de Shifu et des Cinq dans le film, qui agissent par jalousie ou qui sont aveuglés par leur croyance.

La deuxième, plus profonde, est que nous ne croyons pas en nous-mêmes. Po ne cesse de se dire qu’il ne peut pas être l’élu, c’est tout simplement impossible.


Ce qui change absolument la donne, c’est la présence d’Oogway qui à la fois voit parfaitement le génie de Po et désarme l’aveuglement de Shifu. Quelle leçon !

La question devient : Comment arriver à s’entourer de personnes comme Oogway qui ne jugent pas sur une image a priori et qui voit notre génie là où nous sommes incapables de le voir ? Car ces personnes qui croisent notre chemin, nous ne les voyons tout simplement pas. Il s’agit encore une fois d’écouter cette petite voix qui nous touche en plein cœur et qui nous dit que quelque chose se joue ici pour nous.


Car la vie nous envoie tant de signes que nous ne voyons pas. Le film en est un écho à de multiples reprises. « There is no accident »…Il est d’ailleurs marquant de voir qu’en particulier maître Shifu est aveuglé, comme si ce chemin était toujours à refaire…

Je vois également deux obstacles à surmonter.

Souvent la montagne est si haute que nous n’osons même pas faire le premier pas (C’est le défi de l’alpiniste !). J’ai toujours été frappé par ces mots de Nelson Mandela : « Je ne me suis jamais dit que j’allais libérer mon peuple, je me suis juste retrouvé à le faire ». Le secret : Ne pas en faire toute une montagne.


L’autre obstacle, c’est que nous n’avons plus d’espace (physique et temporel, à savoir le même) pour laisser les choses résonner. Il convient d’aménager du silence dans nos vies…pour juste prendre le temps de regarder la lune selon les mots de Thich Nhat Hanh : "En chinois, 'prendre le temps' s'écrit avec le caractère qui désigne la porte ou la fenêtre. A l'intérieur de cette porte ou fenêtre, il y a le caractère de la lune. Cela signifie qu'il faut être vraiment libre pour prendre le temps de voir la lune et de l'apprécier. Aujourd'hui, la plupart d'entre nous ne disposent pas d'un tel luxe."


Je ne résiste d’ailleurs pas à l’envie de vous partager ce moment mythique du film, qui en est à la fois le tournant : « Yesterday is history, tomorrow is a mystery, but today is a gift. That is why it is called the present »

Et un dernier conseil, cette fois de Charles Baudelaire, pour la route…

« Il faut être toujours ivre, tout est là ; c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.


Mais de quoi? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous!

Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge; à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est. Et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront, il est l'heure de s'enivrer ; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise. »

Et si ce sont les nouilles qui vont enivrent, foncez !


Ps1 : S’il vous manque encore quelque chose pour trouver votre voie, c’est qu’il est probablement temps que vous trouviez l’’ingrédient secret :p


Ps2 : En écrivant cet article, j’éprouve une profonde gratitude pour les Shifu ou les Oogway de ma vie, sans qui cet article n’aurait pu voir le jour. Merci.

« Il n’y a pas de normes, tous les hommes sont des exceptions à une règle qui n’existe pas »
Fernando Pessoa

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